Interview de William Schnabel – Directeur du Gerf

Par Alain Pelosato

 

 Dans la revue IRIS[1] qui vient de paraître et qui est consacrée au « Fantastique contemporain », tu as écrit plusieurs articles, dont l’un est intitulé : « Le fantastique rattrape  le réel ». En ce qui concerne le débat sur la définition du fantastique, tu écris : « Par “Fantastique“, j’entends les genres constituant la littérature de l’imaginaire (…) Je m’éloigne volontiers des définitions canoniques du genre. » Voilà qui n’est pas pour me déplaire ! Cet article présente d’ailleurs de nombreuses œuvres de science fiction sous couvert de fantastique. Pour toi le fantastique sert à mieux cerner le réel ?

 

En fait, c’est un peu plus compliqué que ça. La plupart des critiques s’accorderaient pour dire que le « réel » est au cœur du fantastique parce qu’il s’appuie sur le réel. Un cadre réel doit être établi avant de pouvoir le déformer ou le détruire. L’une des difficultés dans l’élaboration d’une définition réside dans la perception de la réalité, le point de vue que l’on a de la réalité. Ce que beaucoup d’écrivains considéraient comme fantastique était pour Dostoïevski « l’essentiel de la réalité ». Mais enfin, qu’est-ce que le « réel » ? C’est déjà un gros sujet, n’est-ce pas ? Aujourd’hui, s’il y a un problème avec la définition du fantastique, c’est parce que nos repères du réel deviennent de plus en plus flous ou abstraits, tandis que d’autres disparaissent à jamais. Résultat : de plus en plus de gens se sentent perdus, aliénés… Et puis, beaucoup de gens ont du mal à s’identifier avec ce que l’on nous dit est réel, car la réalité est en grande partie une création de la société ; et cette création paraît souvent grotesque ou absurde pour un grand nombre de personnes aujourd’hui, de même que les individus peuvent paraître grotesques ou absurdes en fonction de ce qu’ils disent et de ce qu’ils font. Pour être très franc, je pense que beaucoup de gens n’ont aucune idée de ce qu’est le réel. La routine devient leur réalité… mais si vous regardez la vie de près, vous vous rendez compte que la réalité aussi est imprégnée du fantastique, du mystérieux, sinon du surnaturel. Donc, le point de vue est un élément important dans le très vaste domaine du fantastique, tout comme la perception du réel. En tout cas, il reste encore beaucoup à dire sur les rapports entre le réel et l’imaginaire, un pas de deux idéaliste qui séduit toujours tant de lecteurs, fort heureusement ! C’est Pierre-Georges Castex qui a ouvert la voie en France en 1951 avec la publication de sa thèse : Le Conte fantastique en France de Nodier à Maupassant. Par la suite on a vu paraître L’Histoire de la littérature fantastique en France de Marcel Schneider (1964), Le Sentiment de l’étrange de Louis Vax, puis la préface d’Anthologie de la littérature fantastique de Roger Caillois (1966), bien sûr, Introduction à la littérature fantastique de Tzvetan Todorov (1970), et Le Récit fantastique d’Irène Bessière (1974).

Réel et Imaginaire sont des concepts créés par tout un ensemble de processus sociétaux. Le réel est ce que nous voulons qu’il soit ! C’est pourquoi j’aime le fantastique, parce qu’il joue avec ces notions qui déterminent les structures de base de toute société. On pourrait très bien rêver une meilleure société tant que nous sommes libres, où les hommes et les femmes vivent en harmonie avec leur environnement, où les pauvres ont des chances réelles de réussir dans la vie, où les hommes et les femmes peuvent s’épanouir selon leurs aptitudes individuelles, où les individus sont libres de choisir leur avenir, où les gouverneurs servent les citoyens plutôt que de s’octroyer des privilèges, où les intérêts du plus grand nombre sont prioritaires plutôt que ceux qui monopolisent les capitaux…

Mais si le fantastique sert effectivement à mieux cerner le réel, nous devrions être scandalisés, car nous transformons notre planète en un enfer pour nous-mêmes et pour notre progéniture. Un assez grand nombre d’écrivains exploitent ces sujets d’actualité dans leurs écrits pour nous montrer que ça ne va plus sur la Terre. On pense aux auteurs comme Michael Crichton, Jean-Marc Ligny, Joëlle Wintrebert, Norman Spinrad, Jérôme Leroy, Jean-Pierre Andrevon, Richard Christian Matheson, ou Arthur C. Clarke, entre autres. Leur regard d’auteur me semble porté vers l’avenir, alors que le cadre de leurs histoires est en grande partie le nôtre, et la scientificité est au premier plan ou en filigrane dans leurs récits.

            Le fantastique, dans le sens large du terme, permet de mieux appréhender le réel ; après tout, le mot fantastique vient du grec phanein qui veut dire briller, se montrer, ou apparaître. Dans le texte dit « fantastique », ce sont les limites du réel qui apparaissent à nous. Et comme je viens de dire, le fantastique déforme notre cadre du réel, du moins provisoirement. Ce qui veut dire qu’il est foncièrement subversif comme genre. Il y a un manque d’orthodoxie dans toute histoire fantastique. Mais n’oublions pas que ce genre est né lors des grands bouleversements sociaux, pendant des révolutions ! On sait que Mary Shelley situe l’action de Frankenstein pendant la Révolution française, en 1792 (selon Jean-Jacques Lecercle). Ce n’est pas un hasard si le roman noir, ou roman « gothique » s’est développé pendant cette même période.

            Aujourd’hui, nous assistons à la naissance d’un nouveau genre, forme hybride du fantastique et de la science-fiction, que l’on pourrait qualifier de fantastique-science, et qui est le miroir de notre « réalité ». Le clonage et les manipulations génétiques, les OGM, les armes bactériologiques, le SIDA, le SRAS, l’effet de serre, les trous dans la couche d’ozone, les vaches folles !... l’eau et l’air pollués ! Voilà notre réalité ! Elle est jolie, n’est-ce pas ? C’est José Bové en taule et des flibustiers dans les palais ! C’est le monde à l’envers ! On tue les enfants et des gens s’immolent par le feu ! Et c’est toujours la guerre, avec des truffes comme Bush qui nous rappellent les pires séries télévisées. Mais surprise, ce n’est point de la fiction, c’est du réel ! Il y a un temps pour toute chose sous le ciel et le temps de se poser des questions sur la désorganisation de notre monde est révolu, il est temps maintenant d’agir sur notre réalité, avant qu’il ne ressemble complètement à 1984 de George Orwell, à La Peste de Camus, ou au Meilleur des Mondes de Huxley.

 

Pourtant, Gilbert Millet, dans le même ouvrage pose la question suivante que je te pose par la même occasion : « Alors que le fantastique est le domaine de l’irrationnel, la science fiction serait donc celui des phénomènes explicables. » ?

 

Chacun a sa petite idée sur le fantastique et la science-fiction, n’est-ce pas ? Parfois c’est tout et n’importe quoi. Je me méfie des phrases qui sonnent trop bien. Elles cachent presque toujours des fissures théoriques. On constate que le fantastique et la science-fiction semblent fusionner de nos jours. En fait, on peut trouver des exemples de ce phénomène dans l’entre-deux-guerres déjà chez Lovecraft et la bande de Weird Tales ou Amazing Stories. Pour Jacques Goimard, « la science-fiction est un genre comportant un changement de vraisemblable et remplissant dans la société actuelle une fonction équivalente à celle du mythe dans les sociétés archaïques » (Critique de la science-fiction). Cela sonne bien. Peut-être trop bien… on pourrait probablement dire la même chose du fantastique. N’est-ce pas le cas de Stephen King, par exemple, avec des histoires comme Carrie ou Christine ou celles d’Anne Rice ou, pourquoi pas, William Blatty ? Il est difficile d’opposer fantastique et S-F par le contenu, car c’est trop réducteur d’énumérer les différences en fonction du « rationnel » ou de l’ « irrationnel ». Après tout, comment savoir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas ? Je préfère regarder des aspects du texte qui sont plus subtils comme le ton et l’atmosphère créés par les réseaux d’images. Normalement, le fantastique doit évoquer un sentiment de peur irrépressible. Mais aujourd’hui, la S-F est souvent fondée sur exactement le même sentiment. Souvent, le fantastique est plutôt rétrospectif, alors que la S-F a tendance à s’orienter vers l’avenir. Pareillement, leurs cadres sont souvent différents. Dans la S-F, l’histoire pourrait se dérouler sur le remorqueur interstellaire Nostromo aux confins de l’espace. Le fantastique, en revanche, va ressusciter les démons d’un lointain passé qui envahissent notre train-train quotidien et faire comme chez eux. Le fantastique s’appuie souvent sur la magie  et des éléments surnaturels, alors que la S-F s’appuie davantage sur la science, mais il n’est pas toujours facile de les départager. L’alchimie en est un bon exemple. Il me semble que les motifs (éléments minimaux de sens) sont différents aussi, ou du moins ils étaient différents. Le problème aujourd’hui est qu’ils partagent parfois les mêmes motifs comme des vampires ou autres monstres canoniques du genre… Je pense que le fantastique et la S-F partagent également le sacré, c’est-à-dire ce qui fait l’objet d’un sentiment de révérence religieuse, ce qui possède une valeur atemporelle, ce qui est lié à l’infini, ce qui est rare et d’un accès difficile, bref, ce qui renvoie à Dieu.

 

Donc, comme le fait Valerio Evangelisti, allier SF et fantastique ouvre une voie nouvelle, riche en promesses », comme l’écrit Gilbert Millet ?

 

La fusion du fantastique et de la S-F est riche en promesses et possibilités, certes, mais encore, on peut trouver des exemples chez Lovecraft (La Couleur tombée du ciel), Poe (La Vérité sur le cas de M. Valdemar), et Balzac (L’Élixir de longue vie). De nos jours, il est sans doute normal de voir la science, ou plutôt les sciences, jouer un plus grand rôle dans les littératures de l’imaginaire puisque nous assistons à une révolution scientifique. Cela nous permet de parler d’un effet de mimésis : l’art imite la réalité, ce n’est pas nouveau. Nous sommes au début d’une ère nouvelle ; une période extrêmement importante pour l’avenir de notre espèce et pour l’équilibre de la Terre. Les choix que nous faisons maintenant vont déterminer le développement de notre espèce et l’utilisation des ressources naturelles pour les générations à venir. Si on fait de mauvais choix par cupidité ou par égoïsme, nous le paierons très cher. J’ai lu un article récemment dans The Independent (23/06/03), par exemple, qui évoque la naissance de super-mauvaises herbes qui sont directement liées aux cultures d’OGM ! Ce n’est pas étonnant si Tony Blair, celui qui a menti au public britannique pour justifier la guerre en Iraq, est pour la commercialisation des OGM, tout comme les multinationales américaines. Par ailleurs, des firmes américaines comme Monsanto, font pousser des cultures transgéniques en France ! Allons-nous assister à la mutation massive de la biosphère ? Ou a-t-elle déjà commencé ?

 

Par exemple, « La mère des tempêtes[2] », œuvre de SF s’il en est, t’inspire cette réflexion : « Ainsi sommes-nous amenés, comme Alain Dorémieux, à voir dans ce catastrophisme, “un état de conscience“, plutôt qu’un simple point de vue de la réalité. » Mais cet « État de conscience » ne fait-il pas partie justement de la réalité ?

 

Un écrivain fait des choix quand il écrit. C’est son pouvoir créateur, il se sert de son imagination. L’écriture est beaucoup de choses à la fois et des commentaires de toute sorte sont généralement tissés dans la trame de l’intrigue. Le commentaire peut être direct ou voilé et on le trouve chez les personnages, dans leurs discours, et dans les descriptions, les symboles et le sujet même de l’histoire. Aujourd’hui, certains écrivains réagissent contre ce qui constitue, à leurs yeux, la dérive de la société, ses orientations technologiques et scientifiques. Il n’y a pas une seule façon de croire en la science. Ceux qui s’opposent à l’orthodoxie réductionniste sont traités d’hérétiques par les multinationales qui se sont accaparées en grande partie de la recherche de pointe. Ce n’est pas parce qu’on est opposé à certaines applications de la science qu’on est contre le progrès, bien que ce mot soit de plus en plus équivoque de nos jours, et c’est notre cher « progrès » qui nous conduit vers la catastrophe. Nous produisons plus, consommons plus, et allons plus vite, mais si cette idée de progrès s’accompagne de pollution mortelle pour la biosphère, où est le progrès ?

 

De même que la religion, devenue idéologie centrale de bien des œuvres de SF ?

 

Religion… sujet intéressant à une époque où personne (ou presque) n’a plus la foi. On ne croit plus en Dieu, mais le Malin est omniprésent dans notre monde. C’est peut-être pour ça que l’on raffole du sacré dans la fiction… ça nous dépayse, ça nous rappelle de lointains souvenirs, ça nous met en contact avec l’infini… Religion, voilà un mot chargé de connotations ; certaines d’entre elles sont très péjoratives. Je voudrais employer ce vocable dans un sens positif et salutaire. Notre espèce a une longue histoire avec le sacré, une fascination et une peur aussi. C’est ce que Rudolf Otto nous a démontré dans l’ouvrage qui fait date dans le travail sur le non rationnel et l’imaginaire (Le Sacré, 1949). Le sacré est un lien avec Dieu, il sert de tremplin pour transcender notre expérience profane. La religion, mais pas une orthodoxie pour nous endoctriner, devrait nous permettre d’aller au-delà de notre expérience profane, de voir plus loin, de comprendre certains mystères de la vie et de notre existence terrestre ; et puis, religion et sacré vont ensemble. Qu’est-ce qu’il reste du sacré dans notre société ? Le Baccalauréat est sacré ! Le foot est sacré ! Rolland Garros est sacré ! Les vacances sont sacrées !... La science-fiction, comme le fantastique, s’appuie sur la peur et je pense que généralement on peut remarquer un changement dans les motifs de peur et d’horreur employés dans la fiction moderne. L’impact psychologique de cette peur est différent aussi. Mais nous sommes sur un très vaste terrain ici, et les deux principales formes d’expression artistique – la fiction de l’imaginaire et le septième art – l’utilisent à des fins variées. Le cinéma, qui aime nous choquer et jouer avec nos émotions primaires comme les publicités télévisées, utilise une sorte de peur que l’on pourrait associer au deima panicon des Grecs, c’est-à-dire la peur qui paralyse, qui vous coupe le souffle ! J’aimerais croire que la fiction est plus raffinée et subtile. L’image visuelle n’est pas la même chose qu’une image suggérée par le texte écrit. C’est sans doute pourquoi je préfère la littérature plutôt que le cinéma ; et puis ces produits hollywoodiens commencent à me gaver ! Je ne supporte plus leurs clichés bourrés de propagande de Prisunic…

            En tout cas, cette thématique a joué, et joue encore, un rôle considérable dans la S-F : Zelazny, Farmer, Herbert, Moorcock, pour ne mentionner que quatre noms incontournables du genre, nous ont légué de bons exemples. Voici l’Homme de Moorcock est un roman particulièrement original. Le héros de l’histoire, à l’aide d’une machine à voyager dans le temps, retourne dans le passé pour assister à la passion du Christ. Il rencontre Jésus, mais c’est une grosse déception pour lui, car ce Jésus-là ne pourra jamais endosser ses « responsabilités » de messie et c’est alors que les événements vont prendre un tour inattendu. Déçu par la mauvaise prestation du fils de Dieu, le héros le remplace sur la croix ! Message : attention si vous avez un goût pour la Passion… et il ne s’agit pas d’un fruit exotique !

            La critique s’intéresse au thème de la religion dans la littérature fantastique, et Les Cahiers du Gerf ont consacré un numéro spécial à ce thème l’année dernière. On pense naturellement aux histoires de vampires (Dieu sait qu’il y en a !), aux démons comme Lilith, aux pouvoirs occultes que l’on trouve chez Gustav Meyrink, au roman d’Oscar Wilde, au Portrait de Dorian Gray, aux histoires de Storm Constantine comme la trilogie Grigori, à Faust de Goethe, à Un bébé pour Rosemary d’Ira Levin, à L’Exorciste de William Peter Blatty, au conte de Nicolas Gogol « Le portrait », à Spectres de Dean Koontz, à La Passion considérée comme course de côte d’Alfred Jarry où le Christ ne porte pas de croix, mais une bicyclette, aux histoires démoniaques de notre doyen, Claude Seignolle, et j’en passe des meilleurs.

 

Tu as fait ta thèse sur Lovecraft. Plutôt sur la manière dont cet écrivain a généré ses monstres et sa mythologie ?

 

Lovecraft… On le lit toujours, n’est-ce pas ? Étonnant ! Je salue les traducteurs de ses contes : Paule Pérez, Claude Gilbert, Jacques Papy, Simone Lamblin, Jacques Parson, Yves Rivière et les autres. Ces traducteurs ont fait une énorme contribution à la littérature de l’imaginaire. Ils ont donné envie de lire HPL et leurs traductions sont très lisibles, créant le ton et l’atmosphère voulus par Lovecraft. En anglais, le style est très différent, vous savez, il est archaïque et pesant. Mais pas en français.

Oui, j’ai écrit ma thèse sur Lovecraft : Les Monstres familiers de H.P. Lovecraft  (1995). Ce qui m’intéressait chez lui à cette époque était ses monstres. Chez Lovecraft, la haine, sous différentes formes, dévoile les visages cachés de l’épouvante et son œuvre est le résultat d’un gigantesque processus de sublimation qui lui permettait de « vivre » avec ses peurs : sur l’immigration, notamment, mais aussi sur les races qu’il jugeait biologiquement inférieures. Je pense que l’on peut voir tout ça clairement dans sa fiction, surtout lorsqu’on met en parallèle sa biographie et son œuvre : tous ses préjugés raciaux sont là. Mon hypothèse était que l’écrivain exprime ses sentiments et sa pensée profonde dans son œuvre. Par conséquent, il y a coïncidence partielle entre un auteur et son œuvre, entre un auteur et ses personnages, ses thèmes et ses motifs. Je pense que c’est intéressant d’étudier tout ça, d’essayer de découvrir les sources profondes des images. Un sujet très important dans la littérature de l’imaginaire, car tout est image… et les images sont imprégnées de symboles. Écrire est un processus psychologique extrêmement complexe. Et les monstres jouent un rôle primordial dans ses mythes, c’est une sorte de structure interne qui donne de la cohérence à son œuvre. Donc, pour comprendre ses mythes, il fallait analyser ses monstres. Si on pense à la définition d’Eliade, le mot mythe me semble en partie justifié : « Le mythe raconte une histoire sacrée ; il relate un événement qui a eu lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des ‘commencements’. Autrement dit, le mythe raconte comment, grâce aux exploits des Êtres Surnaturels, une réalité est venue à l’existence, que ce soit la réalité totale, le Cosmos, ou seulement un fragment :  une île, une espèce végétale, un comportement humain, une institution. C’est donc toujours le récit d’une ‘création’ » (Aspects du mythe). Même si Lovecraft ne raconte pas stricto sensu la création des extraterrestres, leur développement et leurs pratiques sont esquissés.

 

Ton article « Idéologie et fantastique chez H.P. Lovecraft » montre que le fantastique de Lovecraft est installé sur un socle d’idéologie néonazie ?

 

Je ne sais pas si mon article dit ça. Je voulais démontrer que le conservatisme joue un rôle important dans son œuvre. Le fascisme était plutôt une sorte de kyste ou protubérance psychopathologique ! L’extrême droite est toujours là, n’est-ce pas ? Regarde les élections en France dernièrement. Regarde un peu ce qui se passe outre-Atlantique. Quelle belle saloperie là-bas avec la dynastie Bush ! Des nazis…  L’anglophilie, le nativisme, le teutonisme et le fascisme se mélangent dans son melting-pot idéologique. La source de son conservatisme était sa famille, surtout du côté des Phillips, famille de vieille souche aux États-Unis. Pour Lovecraft, la démocratie est un signe de déclin, elle entraîne la dégénérescence des traditions et ne permet pas de bâtir une grande civilisation. Dans sa correspondance, il parle d’un gouvernement fasciste où les dictateurs seraient élus par un électorat reçu à des examens ! C’est vraiment n’importe quoi ! Et puis il pensait que le fascisme pouvait guérir l’Amérique du capitalisme qu’il détestait avec une passion. On ne pouvait pas trop souligner l’importance de la culture et de la race dans l’idéologie lovecraftienne, elles donnent un sens à la vie. Peu avant sa mort pourtant, il reconnaissait que les États-Unis n’étaient pas un pays propice à l’instauration d’un régime nazi. Sa volumineuse correspondance est un éloge du Nordique et de l’Aryen et il n’est pas difficile de l’imaginer en train de savourer en cachette les passages de Mein Kampf. Malgré sa haine envers les Juifs, il s’est marié avec Sonia Haft Greene, mais je pense que son mariage avec elle n’enlève rien à son racisme parce qu’il considérait Sonia comme une Juive différente, bien assimilée dans la culture américaine, la culture mainstream.

 

De même Lovecraft était sexiste. Il s’est toujours opposé à l’érotisme dans ses œuvres (pour lui le sexe était assimilé aux plus bas instincts…) Or, il est assez savoureux de voir comment certains cinéastes (pour ne pas dire la plupart) ont adapté ses œuvres au cinéma. Je ne citerais que « Re-animator[3] » et sa suite… Une vengeance du cinéma sur cette idéologie lovecraftienne ?

 

D’abord, je dois avouer que je ne suis plus cinéphile et je ne vais pas souvent au cinéma pour la simple raison que je suis souvent déçu. Très franchement, je trouve que l’esthétique fait souvent défaut dans cette forme d’expression artistique, tous ces produits hollywoodiens qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau… Et puis beaucoup de gens regardent le cinéma fantastique pour les effets spéciaux, c’est évident, car les dialogues sont nuls ! l’intrigue et les acteurs aussi ! Je préfère les livres et comme ça au moins je peux fabriquer mes propres images, je n’ai pas besoin de leurs milliers de pixels préfabriqués conçus essentiellement pour nous conditionner. De plus, les films sont tellement bourrés de clichés que c’est lassant. Le problème avec le 7e art est que les enjeux commerciaux sont énormes. Cela coûte la peau des fesses de réaliser un film, alors ce n’est pas l’art qui prime, mais la rentabilité. Est-ce que le public va aimer le produit ? Le public va-t-il consommer ? Si vous faites assez de battage publicitaire, les moutons vont se ruer sur n’importe quoi. On voit le même phénomène dans l’édition avec tous ces prix et les auteurs à la mode qui sortent leurs best-sellers comme des saucisses de Strasbourg. Trop souvent hélas, c’est de la littérature de gare. Un peu plus de travail sur la psychologie des personnages et sur la prose serait le bienvenu, mais pour le faire le talent est requis. Quand je regarde certaines éditions états-uniennes, je m’esclaffe ! Certains éditeurs mettent 4 pages de citations publicitaires au début du livre pour nous convaincre que ce n’est pas de la merde ! J’ignore si ça marche.

 

J’ai tendance à penser (et je l’ai écrit) que le héros de cette histoire (Re-animator), nommé Herbert West, est la reproduction de Lovecraft lui-même. Son double dans le miroir ?

 

Oui, beaucoup de protagonistes représentent HPL, je dirai qu’ils sont les doubles de l’auteur, car sa fiction est son vaste miroir. En effet, cette manie semble relever d’une obsession et son œuvre ressemble un peu au pays des merveilles où il fuyait la réalité qu’il haïssait si profondément. Mais je crois aussi qu’il s’amusait pas mal avec toutes ces images spéculaires qui le hantaient et le taquinaient. Herbert West, aux « traits délicats, portant lunettes, aux cheveux blonds, aux pâles yeux bleus et à la voix douce », est une représentation de Lovecraft, mais il n’est pas la seule. Il y a aussi, à un degré variable, Walter Gilman, le narrateur de Lui, Charles Dexter Ward, le monstre de Je suis d’ailleurs, Wilbur Whateley et Arthur Jermyn, entre autres. J’en parle dans Masques dans le miroir : Le double lovecraftien chez La Clef d’Argent (2002). Parfois Howard s’amusait dans sa fiction à faire défiler toute sa tribu un peu comme on exhibait autrefois les freaks de la nature : Susie, Winfield Scott Lovecraft, Whipple Van Buren Phillips…  ils sont tous là.

 

Lovecraft est matérialiste. Dieu n’intervient jamais dans ses histoires. Ses dieux à lui sont faits de matière. Tu utilises l’expression de « cosmicisme » pour qualifier sa mythologie, qui n’en est donc pas une ?

 

Regardons de près cette idée. Cthulhu, qui se prononce Cluh-Luh, sans prononcer le « T », ce gigantesque animal marin qui ressemble à une sèche avec des ailes membraneuses, est un bon exemple. C’est certainement grâce à la création de ce monstre infernal que Lovecraft est connu et adoré par le grand public aujourd’hui. Sans Cthulhu, il serait sans doute resté dans l’obscurité. Cthulhu, créature éponyme de L’Appel de Cthulhu, a vu le jour l’été de 1926 à Providence, Rhode Island. Mais le mythe de Cthulhu est beaucoup plus que ce monstre. Le mythe, si mythe il y a, est bien plus compliqué que ça. Par ailleurs, la critique américaine est toujours divisée sur l’existence de ce mythe. On peut même se demander si c’est vraiment utile de débattre la question. Où est-ce que cela va nous amener ? Pour ma part, je pense que la question est intéressante dans la mesure où elle nous informe sur les objectifs de Lovecraft en tant qu’écrivain : sa philosophie, sa conception du monde et sur son genre de fantastique assez particulier, le weird.

            Tout d’abord, la question de savoir si Lovecraft lui-même crut en ce mythe ou s’il eut l’intention de créer ce mythe se pose. En fait, c’était un ami à Lovecraft, August Derleth, fondateur de la maison d’édition Arkham House en 1939, à Sauk City, Wisconsin, peu après la mort de son ami le 15 mars 1937, qui a créé l’expression, semble-t-il. Ce fait, avec des querelles littéraires, nous pose d’emblée quelques problèmes. Nous allons voir pourquoi. Lovecraft a probablement commencé sa rédaction du texte après son retour à Providence, mais l’idée avait germé dans son esprit au moins un an avant, en août 1925, car il parle de l’intrigue à cette époque dans son journal intime, et puis les motifs de la nouvelle ressemblent à ceux employés dans l’une de ses premières histoires Dagon (1917). Avec votre indulgence, je vais citer l’incipit du texte.

 

« Ce qu’il y a de plus pitoyable au monde, c’est, je crois, l’incapacité de l’esprit humain à relier tout ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île placide d’ignorance, environnée de noirs océans d’infinitude que nous n’avons pas été destinés à parcourir bien loin. Les sciences, chacune s’évertuant dans sa propre direction, nous ont jusqu’à présent peu nui. Un jour, cependant, la coordination des connaissances éparses nous ouvrira des perspectives si terrifiantes sur le réel et sur l’effroyable position que nous y occupons qu’il ne nous restera plus qu’à sombrer dans la folie devant cette révélation ou à fuir cette lumière mortelle pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel obscurantisme ». (L’Appel de Cthulhu)

 

La nouvelle, on le sait, est célèbre aujourd’hui et tient une place importante dans l’œuvre de Lovecraft parce qu’elle est la première histoire qui s’inscrit dans son mythe littéraire. Ce passage est significatif parce qu’il met en avant le concept lovecraftien de cosmicisme, ou l’insignifiance de l’espèce humaine dans un univers « aveugle », sans but aucun et dépourvu de sens, de même qu’il n’y a ni Dieu, ni âme, ni commencement, ni fin de l’univers. Sa philosophie, en ce qui concerne la métaphysique, est celle d’un matérialiste mécaniste et s’appuie sur les principes de deux auteurs, Hugh Elliot et Ernst Haeckel. Encore, ce conte fait date dans son œuvre parce qu’il marque un changement significatif dans sa fiction. Dorénavant, Lovecraft abandonne des histoires surnaturelles à l’instar de Poe ou de Machen pour se consacrer à la science-fiction, ou peut-être quasi science-fiction. C’est ainsi que son entité Cthulhu, qui vit au fond de l’océan dans la cité de R’lyeh, symbolise son cosmicisme : son existence sur la Terre montre que nos perceptions de l’univers sont erronées et que l’homme ignore la place qu’il occupe réellement dans l’univers. Voilà la fonction de ce monstre qui, bien sûr, joue un rôle dans son mythe.

            D’habitude, lorsque l’on évoque l’expression, mythe de Cthulhu, on comprend son panthéon de monstres ou extraterrestres comme Azathoth, Nyarlathotep, Yog-Sothoth, les Anciens, Shub-Niggurath ; des lieux mythiques créés par Lovecraft comme Arkham, Innsmouth, ou Dunwich ; et des grimoires comme le Necronomicon de l’Arabe fou Abdul Alhazred. Ces motifs sont employés pour créer une atmosphère étrange et vaguement inquiétante qui est spécifique à son œuvre. Lovecraft concevait une hiérarchie de « dieux infernaux », qu’il a schématisée dans une lettre à James F. Morton le 27 avril 1933, mais dans sa fiction, le résultat est beaucoup plus flou. Dans sa correspondance publiée chez Arkham House, Lovecraft n’a pas employé l’expression « mythe de Cthulhu (en anglais « Cthulhu mythos »), mais est-ce que ça change quelque chose ?  Il parle de « folklore synthétique », de « panthéon noir », de « mythologie artificielle » et de « démons synthétiques ». Quelles étaient les stratégies narratives de Lovecraft concernant l’emploi de ses « démons domestiques » ? « Saint Yuggoth ! » disait-il. Je pense que cette expression montre qu’il ne prenait pas trop au sérieux sa mythologie artificielle ; avant tout c’était de la fiction. Et puis – et ce fait est extrêmement important – il écrivait dans les pulps (les magazines bon marché). Lovecraft lui-même disait que c’était une littérature de deuxième catégorie. Mais en même temps, Lovecraft et les autres membres de la bande comme Clark Ashton Smith, Robert Bloch ou Frank Belknap Long, échangeaient fréquemment leurs monstres familiers non seulement pour les vulgariser, mais aussi pour donner un air d’authenticité. Toute cette bouillie littéraire devait créer l’atmosphère étrange tant recherchée. La critique américaine a dit que Lovecraft aurait été contre l’emploi de l’expression « mythe de Cthulhu ». J’en doute fort ! mais souvent les critiques prennent les choses plus au sérieux que les écrivains eux-mêmes. En tout cas, les choses se sont compliquées avec la « collaboration » posthume entre August Derleth et Lovecraft. Dans un courrier adressé à l’éditeur de Weird Tales, Farnsworth Wright en juillet 1927, Lovecraft évoque sa technique de décrire les extraterrestres afin qu’ils s’éloignent le plus possible de la forme humaine pour créer un sentiment d’étrangeté. Puis il y eut cette citation fournie par Derleth qui prétendait qu’elle venait de la plume de son ami, Lovecraft. Je lis :

 

« Tous mes contes, si hétérogènes les uns par rapport aux autres qu’ils puissent être, se basent sur une croyance légendaire fondamentale qui est que notre monde fut à un moment habité par d’autres races qui, parce qu’elles pratiquaient la magie noire [mes italiques], furent déchues de leur pouvoir et expulsées, mais vivent toujours à l’extérieur, toujours prêtes à reprendre possession de cette terre ».

 

Cette citation, comme d’autres critiques ont remarqué, est en contradiction avec la philosophie de Lovecraft. Par ailleurs, Derleth n’a pas pu produire la lettre contenant la celle-ci. En somme, Derleth, un fervent catholique, se servait de la citation pour corroborer sa propre interprétation du mythe. Notamment, qu’il s’agit d’une lutte manichéenne entre le bien et le mal. Pour Lovecraft, la notion de moralité n’avait aucune place dans la fiction de l’étrange. Il est quand même intéressant de remarquer que ceux qui pourfendent le mythe le font très souvent à cause de Derleth.

Après la mort de Lovecraft, Derleth s’est mis à la quête d’un éditeur pour The Outsider and Others, un énorme tapuscrit de 1.500 pages. Scribner’s l’avait refusé car Lovecraft fut inconnu à l’époque du grand public. Plutôt que de perdre encore du temps dans sa recherche d’un éditeur prêt à publier, Derleth et Donald Wandrei ont créé leur propre maison d’édition, Arkham House et The Outsider and Others est sorti en décembre 1939. Par la suite, Arkham House a publié d’autres textes comme Beyond the Wall of Sleep en 1943, Marginalia en 1944, H.P.L. : A Memoir en 1945 et a réussi à convaincre d’autres éditeurs à publier des textes de Lovecraft. Cette même année, Derleth a publié The Lurker at the Threshold : la première des nombreuses « collaborations posthumes » avec Lovecraft. Ce qui est assez remarquable et assez injuste envers son ancien ami, d’autant plus que Derleth a déformé la philosophie de Lovecraft, qui se lit en filigrane dans sa mythologie artificielle, en plaquant ses propres idées sur des motifs imaginés par son ami. Derleth, qui semblait être hanté par le mythe de Cthulhu, a agacé bon nombre de critiques et d’éditeurs aussi par le fait qu’il croyait posséder le copyright de toute sa fiction, pour la simple raison qu’il avait publié les textes ses textes. Et puisque Derleth a créé l’expression « mythe de Cthulhu », beaucoup de critiques l’associent à son nom et à ses idées qui étaient, répétons-le, très différentes de celles de son ancien ami. Pour être clair, le mythe de Cthulhu, tel qu’il a été propagé par Derleth, n’existe pas dans la fiction de Lovecraft.

            Ceci dit, il serait incorrect de prétendre que Lovecraft n’avait aucune intention de créer une mythologie ; il avait déjà dit, par ailleurs, qu’il employait les noms de ses « démons domestiques » pour donner une impression de vraisemblance mythologique dans le cadre de sa fiction, bien qu’il sût que « Yog-Sothoth est essentiellement une conception puérile ». S.T. Joshi, le critique américain, a probablement raison d’appeler le mythe une « pseudomythologie ». Lovecraft l’a utilisée pour exprimer sa philosophie et pour développer l’atmosphère de terreur et d’angoisse si importantes dans son œuvre. Savoir si Lovecraft a atteint ses objectifs en fiction est une autre question, non dépourvue d’intérêt sans doute.

 

Tu n’es pas tendre avec HPL ! Je te cite : « L’idéologie fait partie intégrante de l’œuvre de Lovecraft et c’est ce qui jette une ombre de déshonneur sur sa vie. Les idéologies ont toujours de l’importance. On les utilise pour convaincre, pour manipuler et, dans certains cas, pour justifier nos crimes. » Je partage ce point de vue. Mais s’applique-t-il complètement à Lovecraft ? N’était-il pas plutôt victime de cette idéologie qui lui permettait de survivre psychologiquement ? N’était-il pas plutôt “manipulé“ ?

 

Je pense que l’on est souvent « manipulé » par une idéologie, et il me semble légitime de dire que Lovecraft était victime de la sienne, mais qu’elle lui permettait en même temps de « survivre » psychologiquement. Racontez-moi vos fantasmes et je vous dirai qui vous êtes ! C’est ce que Lovecraft a si bien fait dans sa fiction : il y déversait ses fantasmes. Regardez un peu ses motifs et ses images : le visqueux, tous ces tentacules et tous ces extraterrestres, la mer/mère, la nature sauvage, l’abîme… Tout cela est Lovecraft. Il a beaucoup souffert dans la vie et cette souffrance agissait comme un catalyseur sur son activité créatrice ; le résultat était un effet cathartique. Le texte lovecraftien, comme beaucoup de textes littéraires, est un confessionnal. Sa fiction se nourrissait de sa biographie pour lui permettre de purger ses échecs et de se délivrer de sa haine. La hantise de Lovecraft était le monstrum, tout ce qui contamine ou provoque une souillure. Et il n’est pas difficile d’identifier les sources de ses préjugés : la Nouvelle-Angleterre (lieu sacré par excellence), sa famille bien sûr, mais aussi ses revers de fortune. Lovecraft n’était pas Stephen King ou Bernard Weber. Son succès littéraire était posthume ; de son vivant il publiait essentiellement dans Weird Tales, et il n’a pas gagné une fortune avec les pulps. Il aurait bien voulu toucher un peu de l’argent que l’on gagne aujourd’hui sur son dos. Ce que je souhaite est qu’on réédite sa correspondance, car elle aide beaucoup à comprendre ses écrits.

 

Cette interview est également disponible dans mes ouvrages :

« Écrivains Fantastique SF cinéma » http://www.sfmag.net/sfm/ecrivains.htm (2019)

« Fandom 3 » http://www.sfmag.net/sfm/Fandom3.htm  (2020)

 

 



[1] IRIS – les cahiers du GERF ; N° 24 : “Le fantastique contemporain“ Centre de recherche sur l’imaginaire Université de Grenoble 3 – 430 pages - 13 euros.

Commandes : Université Stendhal BP 25 38040 Grenoble cedex 9 Chèques à l’ordre de M. l’agent comptable de l’Université Stendhal. Frais de port : 1,52 euros pour un numéro, 1 euro pour les suivants.

[2] Roman de John Barnes – Livre de Poche octobre 2001

[3] Par Stuart Gordon et “Re-animator 2“ par Brian Yuzna.