Alain Pelosato s'explique

 

Pour Givors  : Alain Pelosato, bonjour! Tu as été membre du PCF. En quelle année as-tu adhéré?

J'ai adhéré à l'Union des étudiants communistes en 1968, juste après les événements de mai 1968, au cours desquels j'avais constaté que ce qu'on peut appeler les « gauchistes » avaient trompé la jeunesse en lui faisant croire que la révolution était possible. Le fait que ces mêmes gauchistes ont continué à le dire au cours des années 70 en accusant le PCF d'avoir sabordé cette « révolution » n'a fait que me renforcer dans mes convictions. Que sont devenus les dirigeants de ces groupes gauchistes? Ils sont tous bien installés dans les arcanes du pouvoir...

En 1969, j'ai adhéré au PCF à un meeting de Jacques Duclos au palais des sports de Lyon. Il y avait un grand enthousiasme avec cette candidature...

 

PG : Y avait-il d'autres motivations pour ton adhésion ?

Oui. Une motivation familiale. Mes deux oncles (frères de ma mère) ont été victimes des nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Le premier Virgilio, est mort à Dachau après avoir été déporté au camp de concentration français du Struthof en Alsace. Il était mineur de fer et travaillait clandestinement dans les services de renseignements du parti communiste. Le second, Giovanni dit « Gianetto » est mort lors des combats entre la résistance italienne et les nazis à la fin de la guerre. Il a été arrêté et son corps n'a jamais été retrouvé. Ils étaient tous les deux militants communistes; Gianetto participa à la guerre civile en Espagne aux côtés des Républicains. Il fut arrêté et déporté avant d'être libéré après l'arrestation de Mussolini et avant la contre-offensive nazie en Italie. J’ai retracé le récit de leurs combats dans mon livre « Voies de la déportation ».

Je suis né en 1946, année où ma mère a eu la confirmation de la mort de Virgilio; mes grands-parents ne se sont jamais remis de la disparition de leurs deux fils et sont morts dans les années qui ont suivi. Pour moi, l'adhésion au PCF a été une nécessité inconsciente d'aider à la réalisation du deuil de ma mère. Cela a été vain, car elle n'a jamais fait ce deuil...

Je suis donc un enfant de la guerre et je suis entré au PCF comme on rentre au « grand parti des fusillés »...

Ma déception, aussi longue à émerger fût-elle, en a été d'autant plus grande...

 

PG : Et ensuite ?

Après mes études (j'ai fait mes études à l'INSA de Lyon après un BTS à Strasbourg) je me suis marié et installé à Lyon. Quand mon propriétaire m'a expulsé (je n'avais pas pris la précaution de signer un bail de location) je vins m'installer à Givors en 1972.

J'enseignais pendant trois ans dans l'académie de Grenoble, et consacrais tout le reste de mon temps au militantisme. Je croyais à l'émancipation de la classe ouvrière dont j'étais issu, ma famille était composée d'Italiens venus travailler à la mine en Lorraine...

 

PG : Tu as eu des fonctions électives à quel moment?

Plus tard.

Il faut comprendre que je m'étais engagé, comme on s'engage dans une armée de lutte pour l'émancipation de la classe ouvrière. D'autre part, j'avais trouvé dans ce parti la famille qui m'avait manqué car mes parents ne se sont jamais remis de tous ces décès, et j'en ai souffert dans ma petite enfance.

On voit à quel point cet engagement pouvait avoir des aspects malsains dès le départ.

D'autre part, je peux affirmer aujourd'hui, que le PCF était alors encore organisé de façon quasi militaire; il vivait de son auréole de parti des fusillés et cela jusque dans les années 70.

J'ai eu des fonctions électives en 1983. j'ai été élu de suite deuxième adjoint. Au début Camille Vallin monopolisait toutes les fonctions des différents exécutifs, que ce soit à la municipalité ou dans les différents syndicats intercommunaux. Il a fallu attendre qu'il passe la main (il faut dire qu'il ne souhaitait pas du tout le faire, malgré son grand âge, il avait 75 ans quand il passa la main à Passi...) pour que les responsabilités soient partagées. J'ai alors exercé d'importantes responsabilités  : président du syndicat des eaux GGL, vice-président du syndicat de production Rhône sud et du SITIV (informatique), président de la mission locale, vice-président de la CODEGI et président de l'association de communes riveraines du Rhône dont j'avais été le directeur depuis 1973...

 

PG : Mais n'est-ce pas toi qui devait assurer la succession de Camille Vallin?

Oui... à un moment.

 

PG : Alors que s'est-il passé ?

Il s'est passé plusieurs choses...

Dès 1978, je commençais à prendre mes distances avec le Pcf. Pourtant cela n'apparaissait pas en public car j'étais encore pris par l'idée de la relève de mon oncle que je devais assurer. Pire même, plus je doutais, plus j'adoptais une attitude rigide sur la doctrine.

En 1979, le parti me désigna ouvertement comme le successeur de Vallin. Pour préparer cette succession je devais être candidat aux élections cantonales de 1979. Le siège était à l'époque facile à garder, Vallin étant élu dès le premier tour. Je fus donc désigné comme candidat et élu comme tel par le comité local du parti. Or, Roger Tissot, le maire communiste de Grigny (qui fut élu en 1977, alors que j'étais à l'époque secrétaire de la section de Grigny du PCF...) interpella la fédération du PCF en refusant ma candidature, prétextant que le PS risquait de passer devant moi à Grigny... La fédération me demanda de retirer ma candidature. Ce que je fis, malgré les protestations véhémentes de mes camarades de Givors... Je suppute fortement que ce fut Vallin qui souffla à l'oreille de Tissot d'intervenir...

Six ans plus tard, en 1985, le problème se posa de nouveau. Je me prononçais contre la candidature de Vallin, qui était conseiller général depuis 40 ans ! Et je crois que Vallin ne me le pardonna jamais... Et il perdit son siège de conseiller général au profit de Bahu, le PS ayant décidé de faire tomber Vallin suite aux démissions des ministres communistes du gouvernement de gauche en 1984.

Je dois dire que les virages à 180 ° de la direction du PCF ne firent qu'accentuer mes doutes...

Et en 1984, je n'étais pas loin de rendre ma carte au PCF... Mais j'avais des obligations, les gens m'avaient élu et je devais assumer..

En 1989, j'appris que la fédération du PCF allait envoyer deux autres candidats pour susciter une concurrence entre eux et moi (il y avait aussi Combaz qui était sur les rangs) afin de détecter le « meilleur » comme ils disent... Vallin l'avait d'ailleurs déclaré clairement lors du conseil municipal de l'élection du maire et des adjoints... Tout cela me faisait bien sourire. Car je voyais très nettement que le candidat était choisi depuis longtemps et les autres ne servaient qu'à faire valoir. D'ailleurs deux d'entre eux le comprirent vite et s'en allèrent rapidement... Ce candidat était évidemment Martial Passi, qui habitait alors Irigny.

 

PG. Oui, je vois... Tu as donc participé à l'équipe de Passi ?

Oui. Quand Vallin m'a annoncé que ce n'était plus moi le futur maire mais Passi, il fut étonné de ma réaction tranquille... Quand il s'agit de nommer un premier adjoint, je me proposai, mais Passi refusa, préférant un Goubelly, moins compétent mais plus à sa botte...

Pendant ce mandat 1989-1995, je me suis beaucoup amusé. J'avais fait le choix de continuer à servir Givors, sans aucune arrière-pensée ni aucune amertume. Le problème de la succession étant réglé, je m'imaginais naïvement que je pourrais être tranquille.

Mais Passi complota pour me faire réintégrer la mairie de Pierre Bénite où j'étais salarié en détachement pour fonctions électives.

Je subis donc de la part du PCF un licenciement déguisé sans aucune indemnité et je dus réintégrer la mairie de Pierre Bénite. J'avais alors presque 50 ans et à cet âge, intégrer une entreprise sans y être vraiment attendu fut une douloureuse expérience qui me conduisit à tomber gravement malade. Après ce furent les élections de 1995, au cours desquelles curieusement, on me fit crouler sous de nombreuses responsabilités...

Travailler à la mairie de Pierre Bénite et être adjoint, président de syndicats, de la mission locale etc... n'était pas un sinécure...

En 2001, Passi organisa un « vote ». Son sbire, directeur de cabinet, me fit savoir qu'il fallait, dit-il « éliminer » Combaz en le mettant en 26e position sur la liste. J'appris plus tard qu'on avait dit la même chose à Raymond Combaz à mon propos et que tous les membres du comité de ville du PCF ont été chargés de voter contre Combaz et moi. Ils ont tous obéi comme un seul homme ! Le vote a eu lieu, j'ai voté Combaz en réaction à cette magouille, et Combaz a voté pour moi pour les mêmes raisons. Je le sus bien plus tard quand j'ai eu un échange avec lui sur cet épisode.

Suite à cet épisode, je me demande encore comment Combaz a pu rester dans cette équipe !

Voilà comment Passi aime la magouille et la turpitude...

Au fond je les remercie, les Passi, Goubelly, Charnay, Reale et autres qui m'ont montré à quel point le PCF était gangrené par la sale maladie du stalinisme...

 

PG : et le PCF alors ?

Eh bien, je l'ai dit, sa politique en virages serrés m'avait déjà beaucoup ennuyé. La chute du communisme et ses suites ont fini de m'éclairer sur cette idéologie qui n'a servi qu'à installer quelques dictateurs dont certains sévissent encore aujourd'hui comme à Cuba, en Corée du Nord, en Chine...

J'ai eu une bonne expérience des pays de l'est, notamment de la RDA où je me suis rendu cinq fois... J'ai eu connaissance des moyens qu'utilisait le PCF pour se faire financer par les partis « frères » de l'est, y compris le parti communiste roumain, dont le congrès accueillit un représentant du PCF juste avant la chute de Ceaucescu...

Comment peut-on rester dans un tel parti ?

Aujourd'hui, le PCF n'est plus rien. Il se crispe sur un social-nationalisme qui le conduit à sa perte. Ces gens ne vivent que d'illusions, ils sont adeptes de la méthode Coué... Ils croient que les gens qui ont voté « non » au référendum sur la constitution européenne vont voter pour eux.

Ses représentants locaux manquent totalement de franchise, Martial Passi, membre du Conseil national du PCF va partout disant qu'il n'est pas communiste. Il propose à des gens de droite de participer à sa liste...

Même Camille Vallin l'a lâché !

Comment aurais-je pu côtoyer ce genre d'individu ?

 

PG : cela ne t'a pas amené à droite quand même ?

Juste après ma rupture avec le communisme, je ne me sentais ni de droite ni de gauche. Les idéologies  m'ennuyaient beaucoup. Mais, j'ai toujours été au fond un libéral : je suis pour la liberté, c'est la seule idéologie qui me convienne... Et force m’a été de constater que seule la droite défend vraiment la liberté et applique dans les faits les trois principes de la République laïque : Liberté, égalité, fraternité.

Je sais où se trouve l'intérêt de la commune, je sais où sont mes amis.

Cette majorité municipale n'est faite que de magouilles et manœuvres diverses de l'équipe Passi. Il y en a même qui espèrent secrètement voir Passi tomber pour prendre sa place. Nous assistons à une désastreuse fin de règne...

J'ai rencontré Georges Fenech. C'est un homme compétent, il peut apporter beaucoup à Givors.

Je me suis engagé aux côtés de Fenech pour l'avenir de Givors.

L'équipe Passi conduit Givors à sa perte. Passi et son équipe ont tout bradé  : le centre-ville et les logements sociaux de la CODEGI à l'OPAC, la commune à la Courly. Les habitants de Givors sont écrasés sous les impôts alors que le compte administratif de la commune affiche un excédent de plus de 6 millions d'euros, soit le montant de la recette d'un an en impôts locaux.

Passi nous a écrasés d'impôts pendant des années pour pouvoir les baisser l'année des élections.

Sa gestion est une gabegie... Elle a été condamnée par la cours régionale des comptes et le tribunal administratif.

La société d’économie mixte qu’il préside accumule des déficits, les erreurs de gestion. La désastreuse affaire du centre commercial de Bans n’en est qu’une des illustrations.

Il doit partir.

Aux dernières élections municipales, une équipe d’élus d’opposition a été élue derrière Georges Fenech. Ils mènent quotidiennement un combat difficile avec beaucoup de persévérance et de compétence pour que Givors puisse se redresser en combattant l’obscurantisme qui règne dans la majorité municipale.

 

PG : tu participes également à une association de contribuables ?

Oui, après en avoir été le vice-président dès sa fondation, j’en suis désormais le président. Là aussi j'ai rencontré des gens qui ont une haute opinion de l'action publique. Et je m'engage avec eux sur la base de cette philosophie d'être au service de la population.

Notre seul but est de rendre transparente la gestion de Passi et ses acolytes.

Cette minutieuse enquête que nous faisons nous a conduits à produire des dossiers importants dont on entendra parler prochainement.

Le peuple de Givors doit savoir ce que l'équipe PassiCharnayGagneureFrety font de ses impôts.

Nous participons ainsi à une entreprise de salut public.

La liberté passe par la transparence de la gestion.

Or, nous avions la confirmation que cette transparence ne peut exister sans notre association, car, plus d'une fois, nous avons été obligés de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs, l'équipe de Passi ne répondant pas à nos demandes...

Nous avons également mis au grand jour les affaires immobilières comme celle de l’Orée du Rhône. Vous pourrez lire mon article sur ce sujet sur ce site.

Aujourd’hui, une équipe d’élus d’opposition veillent et agissent efficacement pour imposer la démocratie et la transparence au Conseil municipal.

 

PG : Pourtant tu ne peux pas nier que tu as participé à la gestion communiste de la commune...

Quand j'ai été élu adjoint, la politique municipale communiste de Vallin avait subi une inflexion.

En 1953 quand Vallin a été élu grâce à la « traîtrise » d'un élu socialiste dont on a pourtant donné son nom à salle municipale (Henri Broues), on en était à la politique stalinienne, le XXe congrès du PCUS n'avait pas encore eu lieu et Staline allait mourir.

Vallin appliqua cette politique que nous avons si souvent rencontrée dans les pays de l'est  : construire des barres de logements sociaux bon marché en périphérie de la ville... En 1976 encore, il se construisait des barres et des tours aux Vernes que l'on démolit aujourd'hui.

Le patrimoine du bâti et du logement à Givors est de médiocre qualité. Il y a des milliers de petits logements de 50 mètres carrés de très faible valeur ce qui donne une très faible valeur locative moyenne à la commune... Ces personnes qui habitent ces logements modestes paient une faible taxe d'habitation, la valeur locative étant basse. Par contre ceux qui habitent un logement « normal » sont écrasés d'impôts, leur valeur locative étant plus élevée et les taux votés par la commune étant très élevés.

D'autre part, Vallin a écrasé les entreprises sous une énorme taxe professionnelle. Ce qui a contribué à la désertification industrielle.

En 1983, sa politique changeait. Il avait restructuré le centre-ville (le vieux Givors) et avait eu la chance que le gouvernement ait plafonné les taux de la taxe professionnelle. En tant qu'adjoint aux affaires économiques j'ai beaucoup travaillé pour rétablir les relations et la confiance avec les entreprises. Parfois contre l'avis de Vallin... D'ailleurs après mon départ n'a-t-on pas dissous l'ADERS, une association qui associait les communes, les entreprises et la chambre de commerce ? En ce qui concerne le logement, malgré les velléités de rééquilibrer la composition sociale de la population de Givors, la CODEGI n'a vraiment construit que des logements sociaux financés comme tels.

Le grand projet d'urbanisation des hauts de Montrond n'est pas encore terminé loin de là (commencé pourtant depuis plus de trente ans !)....

Aujourd'hui, même la verrerie a fermé. Passi compte installer sur ces terrains de nouveaux commerces. Il n'y a plus d'industrie à Givors, La Famer faisant mine de s'en aller également...

Givors a besoin d'une véritable rupture avec cette gestion. C'est un besoin vital, car qu'on le veuille ou non, Vallin et ensuite Passi ont fait de Givors une concentration de pauvreté sans jamais réussir à inverser cette tendance...



Cette interview a été réalisée le 23/06/2006.

Corrigée et reprise le 02/12/2009 puis le 12 novembre 2011.