Pour comprendre :

Cent mots qu'utilise

le peuple du fleuve


Tous ces mots sont tirés du langage courant des personnes interviewés dans le cadre de mon travail.

Pour un lexique plus scientifique voir la rubrique « lexique » de ce site.



AMARRER

Action d'attraper les épaves, débris de valeur, bois de toutes sortes qui sont emportées par le fleuve lors de ses crues. Se réalise avec une corde accrochée à un crampon que l'on lance vers l'objet à amarrer.

Le fleuve en crue est parfois si puissant qu'il emporte avec lui l'imprudent amarreur.


AMENDE

Somme d'argent, parfois importante, que le pirate du Rhône doit payer aux autorités lorsqu'il a été pris sur le fait par les "gabelous" en péchant la nuit avec des filets et divers autres engins prohibés.


ANCHOIS

Désigne un poisson de mer bien connu. On sait que les pêcheurs du Rhône, très liés à la méditerranée par mentalité, aiment donner des noms de mer aux poissons d'eau douce. Semble désigner les petites ablettes pêchées avec un filet à faible maille.


ARPI

Une longue perche en bois armée à son extrémité d'un embout métallique composé d'une pointe et d'un crochet. Sert à éloigner la barque des enrochements et racines (utili­sation de la pointe) ou, au contraire, à accrocher les aspérités du bord (en utilisant le cro­chet) pour s'en approcher afin d'accoster par exemple.Quelle est l'origine de ce nom'? Certains disent que cette origine n'est pas la même que celle d'harponner mais la même que celle d'arpenter. En effet, l'origine latine de ce dernier mot, arepennis et arependis ensuite tendrait à le prouver. Mais, un doute subsiste car il existe un autre mot, "arpette", d'une part, mot populaire provenant de l'Allemand arbeiter (travailleur) qui signifie jeune apprenti, mais qui est aussi un mot de dialecte attesté à Genève (1858), et il signifie griffe provenant de l'ancien Français "harpe"... De "arpette" à "arpi" il n'y aurait qu'un pas!


ASTICOT

Vulgairement: "astèque".

Célèbre larve de la mouche. Accessoire indispensable de tout film d'épouvanté basé sur des histoires de viande faisandée dans les cimetières...

Largement utilisé par les pêcheurs: ils l'accrochent tout frétillant à leurs hameçons. Mais son usage est interdit en rivière de première catégorie (rivière à salmonidés - vous ne trouverez pas ce mot dans ce lexique, les truites et saumons n'étant pas la spécialité du Rhône).

Dans le temps l'asticot n'était pas en vente dans le commerce et très peu utilisé com­me appât. Il fallait les élever soi-même dans son jardin. Par contre, si on avait la chance d'habiter à côté d'une usine d'équarissage (usine qui "traite" les carcasses, boyaux et ossements d'animaux), on peut s'y procurer facilement de ces petites bestioles à condition d'y pénétrer en fraude la nuit, spécialité des pirates du Rhône.

D'après les témoignages recueillis ici, ce serait les Rhodaniens de Givors (ville mitoyenne d'une usine d'équarissage) qui auraient donné l'idée aux commerçants de vendre ces larves et les auraient exportées vers les pêcheurs de l'Ardèche...

Dans la nouvelle "la lône" vous pouvez prendre connaissance de la technique de l'éle­vage de l'asticot.


BACHE

Bateau plat, amarré en fixe au bord, muni d'un toit, sur lequel on a installé les bancs spécialement conçus pour les laveuses.

Les mères de famille venaient pour y laver leur linge. Certains étaient municipaux, donc gratuits, d'autres privés donc payants.


BACHOT

Petit vivier construit au centre de la barque qui communique avec l'eau du fleuve et permet de garder le poisson péché vivant. Muni d'un couvercle et d'une fermeture...

Petit coffre percé de trous et immergé pour conserver le poisson vivant. On l'appelle aussi "bachu".

C'est par extension qu'on nomme "bachu" et "bachot" la barque munie de ce système.


BANC

Installation en bois permettant à la laveuse de s'installer le plus confortablement pos­sible à genoux devant le fleuve pour y laver son linge.


BARQUE

Du Provençal "barca".

Petit bateau généralement mû à la rame et à l'arpi. De différentes formes selon l'usage et les régions.

Terme marinier désignant une embarcation de 75 pieds de long. En tête proue relevée brise-vagues. Gros câbles fixés à l'arbouvier (se dit aussi "aubourier"; tronçon de mât sur le pont, auquel on attachait les câbles de traction).


BARQUETTE

Embarcation assurant le service entre Lyon et et les stations riveraines: "la barquette de Condrieu".

Célèbre orchestre rhodanien, très apprécié sur les bords du fleuve. Il joue lors des tournois de joute, et, par extension à chaque fois que la joie, la fraternité et la solidarité sont présentes au bord du Rhône.


BARQUOT

Une barque! Ho!...


BARRAGE

Construction humaine qui tente plus ou moins adroitement de couper le cours impé­tueux du fleuve, de le canaliser pour sa meilleure utilisation par l'homme.

Les fabuleuses capacités techniques de ce dernier font que ce type de réalisation n'est pas toujours respectueuse des équilibres naturels de Rhône ... (C'est le moins qu'on puisse

dire...)

Ils coupent le fleuve en tronçons, modifient le courant, piègent les sédiments, assè­chent les lônes et tronçons court-circuités...

Enfin ils ont interrompu les migrations des aloses et des anguilles. Il y a des projets de restauration du fleuve et de gestion de la remontée des aloses et anguilles en utilisant les écluses.

Très brièvement, voici des éléments d'histoire des barrages sur le Rhône depuis le siècle dernier.

Au 19ème, siècle de l'industrialisation, on a voulu domestiquer le fleuve pour déve­lopper les transports fluviaux. Et on avait très bien réussi car le fleuve avait été respecté. Ce n'est pas lui qui a vaincu le transport fluvial, mais le chemin de fer, car la compagnie PLM (Paris-Lyon-Marseille) sut, par une stratégie de concurrence acharnée bien menée, couler le transport fluvial. C'est ainsi que les grands bateaux de plus de cent mètres de long furent jetés à la ferraille...

Le plan "Freycinet", du nom du Ministre des travaux publics (installé le 13 décembre 1877) permet à l'ingénieur en chef L. Jacquet de réaliser une étude précise qui préconise un procédé de correction du Rhône par digues et épis et repousse l'idée d'un canal latéral qui aurait coupé le lit du Rhône en de multiples endroits. Malgré l'opposition des parti­sans des barrages tel C. Pasqueau, l'Ingénieur H. Girardon, successeur de L. Jacquet à la direction du Service de la Navigation rhodanienne termine cette grande oeuvre qui ne vio­lente pas le fleuve, mais, au contraire, utilise ses méandres, ses courants, le travail de l'eau dans son mouvement pour creuser des chenaux autorisant la navigation, même en période d'étiage.

Les ouvrages réalisés par la CNR (Compagnie nationale du Rhône) après la deuxième guerre mondiale tiennent d'une tout autre conception: il fallait domestiquer le fleuve, le couper en tronçons par des barrages car la priorité des priorités était de produire de l'élec­tricité... (Voir les articles "canal de fuite - canal d'amenée - contre-canal ...)

La CNR a construit deux types de barrages: des barrages sans canal de dérivation, comme celui de Génissiat, et des barrages où l'usine et l'écluse sont en dérivation. Ces derniers sont appelés "mobiles" car ils sont constitués de grandes vannes manoeuvrées dans le but de laisser passer plus ou moins de débit.

Dans le premier cas, particulièrement à Vertbois, en amont de Génissiat, où les affluents du Rhône lui apportent une grande quantité de matières en suspension, les sédi­ments s'accumulent derrière le barrage. C'est pourquoi, il faut régulièrement les "vidan­ger" ce qui cause de graves dommages à la faune et à la flore du fleuve.

Dans le deuxième cas, "en exploitation normale... seul un débit de salubrité est main­tenu dans la partie du fleuve court-circuitée par le canal de dérivation", déclare la CNR. Le problème c'est que ce "débit de salubrité" de 10 mètres cubes par seconde est très insuffisant pour un fleuve qui a l'habitude (en aval de Lyon) d'un débit de 1000 mètres cubes par seconde. L'action menée par les associations de défense ont amené les respon­sables à envisager de porter ce "débit réservé " à 100 mètres cube par seconde...

Il y a 22 barrages sur le Rhône! Soit 463,8 kilomètres d'aménagements!

Cet ensemble est capable de produire 17389 GWh par an d'électricité, soit même pas l'équivalent d'une centrale nucléaire à quatre tranches...

Mais cet aménagement permet le déplacement de convois fluviaux à grands gabarits de 4000 tonnes. Il a préservé de nombreux riverains de la crue dite "centenale" et assuré une large irrigation pour l'agriculture.


BASSIN

Etendue d'eau réalisée par l'homme afin de pouvoir y mener tranquillement à l'abri des courants, meuilles et autres vagues du fleuve, des activités économiques (construction de bateaux par exemple), ludiques ou sportives (tournois de joutes). Givors était très célèbre (entre autres choses...) pour son grand Bassin situé carrément en ville.


BEC

Surnom bien mérité de ce grand carnassier d'eau douce qu'est le brochet qui possède effectivement un museau allongé, corné, muni de nombreuses dents avec une articulation spéciale de la mâchoire inférieure lui permettant d'ouvrir très grand la bouche.

Le bec corné du brochet ne laisse pas la pointe de l'hameçon le pénétrer. C'est pour­quoi, si l'on veut le ramener sur la berge, il faut attendre qu'il ait avalé sa proie munie sournoisement d'un hameçon par le pêcheur pour ferrer (tirer brusquement sur le fil en lançant le haut de sa canne vers l'arrière - sans la lâcher s'il vous plait!) et enfoncer ainsi brutalement la pointe métallique du crochet dans la tendre chair de la gorge du brochet. Pour comprendre la technique de la pêche du brochet vous pouvez lire la nouvelle "Djinns".


BISTROT

Tout le monde sait ce qu'est un bistrot! Il y en avait beaucoup partout. L'on s'y ren­contrait pour se raconter des histoires de pêche. Pendant les inondations, c'est l'un d'eux qui servait de quartier général aux sauveteurs.


BITTE

Objet allongé, renflé au bout. Parfois en bois ou en pierre. Souvent en fonte. Scellé sur le quai ou sur le pont du bateau.

Sert à amarrer les bateaux...

Au bord du fleuve, emporté par son violent courant, il ne fallait pas la rater en lançant l'amarre!...


BLANC

Quelque soit la couleur d'un poisson, son ventre est toujours blanc... Alors, quand ils sont très nombreux à mourir et qu'ils remontent à la surface de l'eau, elle est "blanc de poissons".

Toutes sortes de pêches (interdites) permettent d'obtenir ce fabuleux résultat: à la gre­nade, au carbure, à l'eau de javel et... la pêche électrique, bien sûr...

Le poisson "blanc" indique un poisson de la vaste famille des cyprinidés (carpes, gar­dons, brèmes, ablettes etc...)


BLEUE

La fête des jouteurs qui porte le nom de la couleur de l'écharpe qui sera le trophée du vainqueur.


BRACONNIERE

Filet de pêche monté en poche sur un cadre rigide triangulaire fixé à une longue perche. Permettait de pousser l'engin de pêche devant soi en raclant le fond, les pieds dans l'eau du fleuve lorsqu'il avait envahi la pelouse des berges. On attrapait ainsi les petits poissons venus se réfugier à l'abri du courant. Technique de pêche semblable à cel­le des pêcheurs de crevettes à l'océan.

Pêche interdite.


BRICK

Ou bricq. Ancrage de sécurité. Briquer: action de l'abaisser.

Le bricq était un morceau de bois sur lequel était un pic à trois dents. Il servait à s'amarrer


CANAL DE FUITE

Elément principal d'un aménagement de la Compagnie nationale du Rhône.(Voir l'article "barrage")

Cet aménagement comprend un barrage qui interrompt le cours du fleuve et dirige son débit vers une usine-écluse qui le fait passer à travers une turbine entraînant un alternateur produisant de l'électricité. Comme son nom l'indique, cet ouvrage comprend également une écluse pour la navigation. (Pas toujours car les aménagements du Haut-Rhône ne pos­sèdent pas d'écluse...)

Ce débit est évacué par un canal de dérivation qui double le lit du Rhône. Le canal de fuite est la partie du canal qui évacue le débit du fleuve. Le canal d'amenée est celle qui amène le débit à l'usine-écluse.

Le plus long canal de fuite est celui de Vallabrègues-Arles: 57,5 kilomètres!


CANAL D'AMENEE

Dans un aménagement de la CNR, partie du canal de dérivation du Rhône qui amène l'essentiel du débit de celui-ci à l'usine-écluse.

(Voir les articles "barrage" et "canal d'amenée")


CANNELLE

A ne pas cofondre avec la plante exotique aromatique utilisée principalement dans le vin chaud. Ici, au bord du fleuve, il s'agit tout simplement d'une canne à pêche.


CARBURE

Carbure de calcium. Réagit violemment avec l'eau dans un brutal dégagement de cha­leur en produisant de l'acétylène. Par la même occasion celle-ci explose...

Utilisé par la catégorie "pourrie" de pirates pour tuer les poissons par "explosion d'une bouteille de carbure": eau mélangée à du carbure dans une bouteille scellée.


CARRE

Un engin de pêche bien connu: un carré rigide tend un filet à petite maille. Cet ensemble est fixé par ses quatre coins à l'extrémité d'une longue perche grâce à quatre tiges souples.

On plonge le "carré" dans l'eau et on remonte lorsqu'un poisson passe dessus le filet.

Désigne aussi un ensemble d'ouvrages réalisé au siècle dernier sur le Rhône. La rive concave du fleuve était régularisée par une digue longitudinale. Cette digue permettait une "autochenalisation" du fleuve grâce à son courant ainsi canalisé qui creusait lui-même son lit. Cette digue était consolidée par des "tenons" transversaux reliant la berge formant ain­si de grandes structures grossièrement carrées. D'où leur nom...


CENTRALE NUCLEAIRE

Usine qui fabrique de l'électricité à partir de l'énergie nucléaire. C'est une centrale thermique: elle utilise la chaleur dégagée par la réaction nucléaire pour faire de la vapeur qui actionne une turbine qui entraîne un alternateur qui produit du courant.

Le Rhône est le fleuve qui accueille le plus grand nombre de centrales nucléaires au monde. Il est donc celui dont l'eau est la plus productive: en faisant tourner les turbines des barrages et en refroidissant l'eau des centrales nucléaires.

Partons du lac Léman et parcourons le fleuve. Nous rencontrerons : les quatre tranches à eau pressurisée et la tranche graphite-gaz du Bugey, le surrégénérateur Super­phénix (sans aéroréfrigérant), après Lyon, les deux tranches de Saint Alban (sans aéroré­frigérant) bientôt complétées par deux autres tranches, les quatre tranches de Cruas (celles où la magnifique et gigantesque fresque peinte sur un aéroréfrigérant montre un enfant qui verse de l'eau ...), les quatre tranches de Tricastin (celles-ci produisent de l'électricité exclusivement pour le centre d'enrichissement de l'uranium). Voilà. Pas mal non?

En plus il faut ajouter les centres nucléaires de Pierrelatte, de Marcoule et la centrale expérimentale Phénix...


CHASSE

C'est l'effet de la crue qui chasse tous les déchets et détritus qui ont été déposés sur les berges. Même travail que la chasse d'eau des WC...


CITERNA

Compagnie de transport fluvial d'hydrocarbures. Par extension, bateau de la compagnie...


CITROUILLE

Ouvrage maçonné constituant la pile centrale d'un barrage mobile pour régler le débit lâché.


CONTRE-CANAL

(Voir les articles "barrage"-"canal d'amenée"-"canal de fuite") Lorsque la CNR a construit des digues pour ses canaux de dérivation ou ses retenues de barrage elle a construit ces contre-canaux en contrebas pour recueillir l'eau de percolation qui traverse ces ouvrages et surtout pour maintenir à un niveau convenable le niveau des nappes phréatiques.


CORDEAU

Technique de pêche au "cordeau" consistant à accrocher une ligne sur une partie fixe (pile de pont, berge, appontement ...) et la laisser dans l'eau la nuit. Au petit matin on tire la ligne à soi avec souvent une anguille accrochée à l'hameçon. Cette technique, autorisée en mer, est rigoureusement interdite en eau douce.


CRUES

Quand le fleuve sort de son lit...

Il y en a trois sortes

Les crues « océaniques » apportées par une grosse pluviométr venant de l'ouest et affectant seulement le bassin amont de Lyon.

Les crues « méditerranéennes » qui affectent le bassin inférieur. Elles sont courtes et très violentes (Vaison la Romaine en 1992)

Les crues générales se produisent dans une conjonction de pluies et de fontes des neiges.

Les dix principales crues du Rhône en aval de Lyon depuis un siècle avec leur débit maximum en mètres cubes par seconde:


27/05/1983 4756 M3/S

05/01/1936 4700 M3/S

12/02/1945 4690 M3/S

30/12/1923 4570 M3/

25/12/1918 4830 M3/S

26/02/1957 5320 M3/S

16/02/1928 5120 M3/S

20/01/1955 5O75M3/S

26/11/1944 4850 M3/S

02/11/1896 4830 M3/S


DECIZE

Descente du fleuve.


COUBLE

Très grand filet de pêche industrielle. Utilisé en fraude par les "pirates". Le propriétai­re de la "couble", le "patron", touchait une part supplémentaire de la pêche. Au masculin, les mariniers désignent ainsi un quadrige de chevaux.


COUCHEE

Chaque soir, le marinier s'arrêtait car il ne pouvait pas naviguer la nuit. Le lieu où il amarrait sa "barque" s'appelait la "couchée". Normal!


COULEE

Espace vide entre des herbiers au fond de l'eau.

Par extension, parcours de la ligne de pêche entraînée par le courant. A la pêche à la "tirette", on ferre en fin de coulée.


CROCHET

Hameçon.


ENGRAINER

Pour attirer le poisson sur les lieux de pêche on utilise différentes techniques. La tech­nique d'engrainer consiste à jeter différents appâts sur ces lieux. Souvent ces appâts sont constitués de farines diverses. D'où l'origine du verbe "engrainer", jeter du grain.


EPAVE

Bateau coulé, abîmé, abandonné par son propriétaire d'origine. Devient automatique­ment propriété de celui qui le récupère.


EPI

Ouvrage réalisé avec des enrochements: petite digue perpendiculaire au courant pour ralentir celui-ci et faire déposer des sédiments à sa base amont.


FIFRE (si on ajoute « A GRELOT » laissez faire votre imagination...)

Lamproie.

Le fifre (du haut Allemand "pfeifer") est une flûte traversière à six trous. Or la lam­proie possède sept petits trous de chaque côté de la tête derrière la bouche. Ces petits ori­fices communiquent avec les branchies. Cette similitude l'a fait nommer fifre.

Ce poisson a des aspects très effrayants, d'où l'expression "à grelot" qui veut dire gre­lotter de peur. En effet, les adultes vampirisent les autres poissons en s'accrochant à eux avec leur bouche à ventouse, se nourrissant de leur sang et de leur chair...

Ce pauvre poisson à la réputation sinistre a aujourd'hui disparu de notre Rhône (depuis 1960) éliminé par la pollution et les aménagements.


FIL

Pêcher au "fil" a le même sens que pêcher au "cordeau" (voir ce mot).


FILET

Engin de pêche composé de fils entrecroisés en mailles plus ou moins grandes selon la taille du poisson que l'on veut y retenir.

Il y a de nombreuses sortes de filets dont on parle dans ce lexique: carré, couble, tra-mail, braconnière, filochon...

Désigne aussi l'espèce d'épuisette qui sert à sortir de l'eau les poissons attrapés à la ligne quand, trop lourds, ils risquent de casser la ligne. (Voir ces mots)


FILOCHON

De "filoche" qui veut dire "bourriche".

Instrument formé d'un filet en forme de poche plus ou moins rendue rigide par des anneaux, la partie inférieure plonge dans l'eau pour tenir vivant le poisson péché qu'on y a introduit par la seule ouverture de l'extrémité supérieure.


FLEUVE

Cours d'eau qui se jette dans la mer.

Le fleuve est un système complexe de vies. Des microinvertébrés aveugles du vaste fleuve souterrain qui accompagne celui de l'air libre aux grands mammifères de la surfa­ce, en passant par la forêt alluviale, le fleuve accueille beaucoup d'espèces.

Le fleuve bouge également latéralement. Lors des crues, il se déplace, laissant des bras morts sur le site de son ancien lit, se multipliant en de multitudes de bras, créant ainsi un milieu humide complexe très riche. Cette "instabilité" fondamentale du fleuve a tou­jours irrité les hommes qui ont besoin de stabilité pour leur développement économique. Aussi depuis des siècles le fleuve a été petit à petit dompté, simplifié au maximum en un seul chenal, découpé en tronçons.

A quand sa vengeance avec la crue millénale?

Quelques grands fleuves du monde: Le Mississippi, domestiqué par les ingénieurs militaires, deux cents réservoirs régulent son cours et celui de ses affluents, surveillés en permanence par des hélicoptères et des hommes-grenouilles. Le général Sturgis, patron de ce corps d'ingénieurs militaires, aurait déclaré: "Maintenant le Mississippi dort dans son lit...comme tous les citoyens américains." Les grandes crues récentes de ce fleuve ont dû vraiment contrarier ce général... Le flamand bleu y côtoie le héron, le cardinal, le martin-pêcheur, l'avocette au bec retroussé, et autres rats musqués que l'on retrouve aujourd'hui au bord de notre Rhône... Et d'énormes cargos remontent le cours du fleuve jusqu'à Bâton-Rouge.

Le Rhin, celui de la Lorelei ("ich weiss nicht was soll'es bedeuten das ich so traurig bin" vers de Heine qui signifie: "qu'est-ce qui fait que je suis si triste?"), celui des grandes zones industrielles et des aménagements, des canaux de dérivation et des grandes pollutions? Quand sera-til relié au Rhône, qui lui a tourné le dos mais qui a pris sa source sur l'autre versant de la même montagne? On l'a bien déjà relié au Danube...

Le Danube, fleuve de l'Europe centrale qui coule vers la mer noire, longtemps ligne de partage géographique de pays séparés par l'idéologie.

La Volga, ancestral fleuve industriel.

Le Zaïre, le Sénégal, le Nil, grands fleuves africains, sources de mort et de vie pour ses riverains, atouts irremplaçables pour lutter contre la sécheresse. Le Gange qui, avec le Bhramapoutre, envahit de ses eaux un vaste peuple enfermé entre les innombrable bras de son delta: le Bangladesh, pays qui aimerait domestiquer ces fleuves pour survivre...

Et enfin, le plus grand le plus fascinant, le plus terrible, le plus secret: l'Amazone. Fleuve de la sauvagerie conservée mais en danger, vaste étendue verte et humide au sein de laquelle le fleuve, elle, l'Amazone, avec ses puissants affluents, creuse de vastes val­lées végétales abruptes...

Et puis, il y a le Rhône, longtemps fleuve-torrent, seul fleuve de France qui se dirige vers le sud, bassin méditerranéen, cours d'eau impétueux qui tend ses innombrables bras vers le soleil. Son delta, la Camargue, est resté un vrai sanctuaire...

En France, 522 kilomètres de long, apporte à la mer 54 milliards de mètres cubes d'eau par an, dont 12,1 milliards sont utilisés pour refroidir les centrales thermiques (11,3) et pour fournir eau potable et d'irrigation (0,8).


FRITERIE

Magasin, parfois ambulant, qui ne vend que des produits frits et particulièrement la fabuleuse friture du Rhône.


FRITEUR Voir "friterie".


FRITURE

Petits poissons à frire. Délicieux quand le poisson est frais.

Seuls les pêcheurs connaissent aujourd'hui la vraie friture du Rhône (poissons bien frais jetés dans l'huile fumante s'il vous plaît; péchés là où le fleuve est encore vivable pour eux...).

Les autres sont condamnés à l'insipide friture d'éperlans...


FROMAGE

La lune.


GABELOU

Employé de la gabelle. Péjoratif: employé de la douane.

Par dérision, nom donné par certains pirates du Rhône aux gardes-pêche.


GAPIANS

Agents de la régie de l'administration. Ils surveillaient particulièrement la fraude sur le vin et, à Givors, ils venaient vérifier les cargaisons.


GARDE-PECHE

Personnes assermentées employées par les associations de pêche pour vérifier le res­pect de la réglementation. Cette police de la pêche est également assurée par les gen­darmes.


GIRARDON Henri (Voir articles "barrage", "carré".)

Ingénieur des Ponts-et-Chaussées né le 26 juin 1846 à Lyon et mort en 1907. Il a mis au point la technique de la Régularisation des cours d'eau.


GRAVIER

Partie du lit du fleuve descendant en pente douce de la berge vers le centre du lit et couvert de galets (les fameux galets du Rhône appelés "têtes de chats"). Lieu privilégié de la pêche à la "tirette".


GROSSIR

Lorsque le fleuve s'emballe, que son débit augmente, on dit qu'il grossit. Il grossit tellement qu'il finit par déborder de son lit. Alors, c'est l'inondation.


GUINGUETTE

Bar, restaurant, lieu de plaisirs divers où l'on fait des rencontres, où l'on danse. Les gens de la ville y viennent pour rencontrer les plaisirs populaires.

Une guinguette est particulièrement attractive lorsqu'elle se situe au bord du fleuve. Guy de Maupassant a immortalisé le fleuve (la Seine) et ses guinguettes, parfois sur le mode fantastique, comme avec sa nouvelle "sur l'eau" écrite vraisemblablement en 1881.


HARPONNER

Lancer un harpon attaché à un filin permettant de tirer sa proie vers soi.

Pratique courante des riverains du Rhône par temps de crue. Les proies harponnées étaient constituées de divers objets emportés par le flux: bois de chauffage ou de service, épaves diverses, cargaisons de bateaux coulés.


INONDATION

Action du fleuve lorsqu'il sort de son lit et envahit la ville. Les vrais Rhodaniens n'étaient pas impressionnés par ces inondations. Pour eux c'était même un peu la fête car l'occasion de manifester fraternité et solidarité. Sentiments qui font chaud au coeur!


LIBERTE

Elément naturel fondamental qui pousse le pirate du Rhône à sortir la nuit sur le fleu­ve à la lumière du "fromage" pour pêcher des petits poissons par centaines de kilos au moyen de techniques interdites et pendant un moment prohibé...


LONES

Ah! Les lônes... Etendues d'eau calme à l'ombre de grands peupliers, de saules et d'osiers aux verges d'or. A quelques pas du fleuve sauvage et violent, cette eau dormante cachait de fabuleux trésors naturels. On y péchait de tout: anguilles, tanches, brèmes, gar­dons, sandres, brochets, black-bass, ablettes, perches et perches soleil, carpes, brochets. Parfois la ligne partait en grinçant pour casser inexorablement malgré l'effort du pêcheur. "Mais quel est le monstre qui est passé là?"

La lône ? Un bras du Rhône qu'il a délaissé en déplaçant son lit; séparé du fleuve en période d'étiage et relié à lui en période de crue...

Un lieu fabuleux!


MARINIER

Le marin du fleuve; celui qui conduit les bateaux. Les marins de mer le traite de "marin d'eau douce". Et alors? Le pire, c'est d'être traité de "marin du Ventoux"!


MAZOUT

Hydrocarbure indispensable aujourd'hui au marinier pour faire fonctionner le moteur de son bateau, mais très néfaste pour la faune et la flore du fleuve quand il y est déversé.


MER

C'est là que se jette le Rhône et que toutes les pollutions qu'il ne peut plus détruire finissent par s'accumuler.


MEUILLE

Le Rhône est un fleuve puissant et tumultueux, alors on a trouvé un nom spécial pour les tourbillons de ses eaux: les meuilles.


MEULE

Grand cylindre plat en pierre tournant autour de son axe pour écraser le grain dans un moulin. Cet axe était mû par une roue à aube entraînée par le courant du Rhône.


MOUILLER

Lorsque le jouteur fait tomber son adversaire à l'eau, il le mouille.


MOULIN

Engin plus ou moins complexe qui utilisait le courant du fleuve pour moudre le grain. Le problème c'est que le fleuve était tellement capricieux que la tâche n'était pas facile.


MOUSTIQUE

Culex pipiens de l'ordre des diptères et de la famille Culicidae. Autrement dit un moustique. Horrible petit insecte qui grésille la nuit à vos oreilles et que vous n'arrivez jamais à tuer d'une claque sans vous la donner vous-même.

Comble de méchanceté, c'est la femelle qui pique et vous suce le sang. Cette sale bes­tiole a besoin d'eau pour pondre ses oeufs et pour que les larves (petites virgules qui mon­tent à la surface) puissent subsister. Aucun intérêt pour l'homme sauf à nourrir les oiseaux et les poissons pour la larve.

Insecte fortement soupçonné d'être complice des gabelous car sa présence en très grand nombre la nuit au-dessus des lônes rebute plus d'un pirate...


NAGE

Action de se déplacer dans le fleuve en utilisant ses bras et jambes comme des nageoires. Il était particulièrement sportif de traverser le Rhône à la nage étant donné ses meuilles et son puissant courant. Le faire, pour un enfant riverain, étant donnée l'interdic­tion, était aussi excitant que de partir pirater la nuit...


NASSE

Panier en osier fermé avec un seul orifice permettant de piéger poissons et autres gibiers sous-marins...

La disposition de l'entrée permet au poisson de rentrer, mais il devrait pouvoir viser très juste pour ressortir. Comme les poissons sont cons...


NOYE

Individu tué par le fleuve, soit qu'il l'ait voulu en s'y suicidant, soit par accident (par exemple en voulant traverser le Rhône à la nage) soit par volonté de quelqu'un qui lui en voulait particulièrement.

On trouve toujours de très nombreux noyés dans le Rhône.


ORPAILLEUR

Personnage réel qui ramasse des tonnes de sable pour y trouver quelques paillettes d'or. Il a besoin du fleuve pour deux raisons fondamentales: la première c'est que le fleu­ve apporte l'or avec les alluvions arrachés à la montagne; la deuxième c'est qu'il a besoin de son eau pour laver tout ce sable afin d'en extraire les paillettes.

Activité pas très rentable...


PASSE

En joute il faut se rencontrer pour faire tomber l'adversaire. Alors c'est une passe. Ne pas confondre avec la passe concernant la rencontre d'une femme et d'un homme, celui-ci payant celle-là pour la satisfaction d'un désir charnel. Quoique...


PATRON

Le propriétaire de la "couble", grand filet pour la pêche nocturne des pirates. Le patron restait toujours dans la barque. Contrairement à d'autres qui portent le même nom, celui-là travaille comme tout le monde en ramant.


PECHE ELECTRIQUE

Assommer les poissons sans les tuer en faisant passer un courant électrique dans l'eau à l'endroit où ils sont. Seulement autorisée pour les chercheurs et sociétés de pêche qui font des prélèvements pour étudier les populations de poissons et leur état de santé.


PECHEUR

Un type qui pêche quoi!...


PEIGNE

Surnom désobligeant donné à la brème qui possède dans sa chair de nombreuses arêtes.


PIQUETER

La meule, à force d'écraser les grains, devient toute lisse. Il faut alors la piqueter pour la rendre de nouveau rugueuse.

Le piquetage de la meule était particulièrement apprécié par la famille du meunier qui n'entendait plus le moulin gronder mais seulement les coups de marteau des piqueteurs.

Ça changeait un peu la vie.


PIRATE

Pas du tout le type horrible qu'on croit, avec une jambe de bois, un sabre, un bandeau sur l'oeil etc...

Mais pas du tout. Il s'agit d'un personnage fondamentalement libre qui péchait la nuit parce que c'est interdit la nuit, avec un filet à petite maille parce que c'est interdit et qui

ne peut pas vivre sans son fleuve. Le sien, comme il est celui des autres, tous ceux qui le connaissent vraiment et savent quel ami il peut être...


PLAGE

Du sable, une grande étendue de sable (ou de galets, mais ce n'est pas si bien) qui s'enfonce doucement dans l'eau. Existait en grand nombre au bord du fleuve pour le bon­heur des familles populaires qui savaient en profiter.


PLATE

Surnom mérité de la brème qui est très plate. Quand on la ferre, elle tire un grand coup, à tel point qu'on croit vraiment que la ligne va casser, et au moment où cela devrait arriver elle se laisse aller jusqu'à la surface où elle se couche du côté, toute plate.

Il n'y a plus qu'à la ramener au bord où elle risque de ne pas rentrer dans le filochon tellement elle est grande (mais plate).


POLLUTION

Produit présent à un endroit alors qu'il ne devrait pas y être ou en trop grande quantité par rapport à l'équilibre naturel du lieu.

Un peu de technique:

La pollution oxydable: toutes les cochonneries qui consomment l'oxygène dissout
dans l'eau. Pas très bon pour les poissons. Elle est assez facilement détruite par le fleuve
lui-même.

Les matières en suspension: des cochonneries qui ne se dissolvent pas mais restent à
flotter entre deux eaux. C'est ce qui rend l'eau trouble.

Les matières toxiques: alors là elles tuent carrément quand elles atteignent la dose.

Les matières nutritives pour les végétaux, responsables de leur développement trop
important. Essentiellement les nitrates et les phospates (plus généralement tous les dérivés
de 1' azote et du phosphore).

Les micropolluants, très vicieux, car toxiques, non biodégradables, en si faible quan­
tité dans l'eau qu'on ne peut pas les trouver avec les méthodes d'analyse, mais qui s'accu­
mulent le long de la chaîne alimentaire pour arriver à des fortes concentrations dans les
poissons et les oiseaux.


RAME

Espèce de bâton aplati au bout. On le tient du côté bâton et on plonge le côté plat dans l'eau pour pousser sur elle afin de faire avancer la barque sur laquelle on se tient.


RECULEE

Bras du Rhône qui s'éloigne de celui-ci et finit en cul-de-sac.


RHONE COURT-CIRCUITE

Partie du Rhône ancien court-circuité par le canal de dérivation qui lui a pris toute son i. (Voir "barrage", "canal d'amenée", "canal de fuite", "contre-canal")


RIZE

Au bord, lorsque le courant du fleuve est contrarié par la berge ou un épi il remonte en sens inverse. C'est la rize.


ROUE DE PECHE

La roue à aubes du moulin qui utilise le courant du fleuve pour entraîner la meule qui écrase la grain.


ROUSSE

Surnom donné au gardon et au rotengle à cause de leurs nageoires rousses.


SARDINE

Surnom donné aux grosses ablettes pêchées à la tirette sur le gravier.


SAUSSAC

Bateau plat servant à transporter des matériaux de gros volume.


SAUVETEUR

Individu extrêmemnt sympathique qui, bénévolement, consacrait beaucoup de son temps, lors des inondations, à secourir les gens. Personne généreuse qui sait ce que les mots solidarité et fraternité veulent dire.


SOLIDARITE

Noble sentiment qui pousse lès sauveteurs à aider leurs voisins gênés par les inonda­tions qui, à vrai dire ne sont plus une gêne quand ce sentiment s'exprime.


TABAGNON

Lieu de la barque de joute où se tient le jouteur lors de la passe.


TINETTE

Nom dérisoire donné au seau muni d'une corde servant à puiser l'eau au Rhône. L'usage de ce mot montre, contrairement à ce qu'affirment les riverains anciens, que "dans le temps" le Rhône n'était pas si propre que cela...


TIRETTE

Pêche noble avec une canne, une longue ligne munie de plusieurs hameçons auxquels on a accroché un asticot.

On laisse traîner dans l'eau sur le gravier et on ferre en fin de coulée. Succès garanti pour les "sardines".


TOLET

Petit piton fixé sur le bord de la barque auquel on articule la rame. Pour la pêche des pirates, la nuit, remplacé par des lanières de cuir.


TRAMAIL

On dit aussi "trémail". Ce qui veut bien dire "trois mailles".

Ensemble lesté fait d'une triple nappe de filets formant une poche où viennent se prendre les poissons.


TRETEAU

Supports utilisés deux par deux pour supporter une planche assez grande afin de per­mettre aux gens de marcher au sec au-dessus de l'eau qui a inondé la ville.


TRIQUE

Synonyme d'arpi (voir ce mot).


VORGINE

Végétation du bord du fleuve. Lieu de prédilection pour les moustiques qui attaquent les pirates lorsqu'ils remuent cette végétation pour voir si elle ne cache pas un gabelou.